Make America closed again

Donald J. Trump

La victoire de Donald Trump aux élections américaines s’annonce comme un séisme dans les relations internationales et fait craindre le pire à bon nombre d’observateurs. Elle confirme aussi et surtout le nouveau clivage politique du 21e siècle : ouverture contre fermeture, au-delà de toutes notions de droite ou de gauche. Et laisse présager un possible retour de l’isolationnisme.

D’emblée, le futur Président américain, la mèche triomphante, s’est voulu rassurant et magnanime. « Nous serons juste avec toutes les nations et nous ne chercherons pas les conflits, a-t-il ainsi affirmé à l’adresse du monde (…) Nous allons nous entendre avec toutes les nations qui voudront s’entendre avec nous (…) Je veux dire à la communauté internationale que, si l’Amérique passera toujours en premier, nous serons justes avec tout le monde ». Après une campagne pour le moins tapageuse et émaillée de débordements en tous genres, dignes pour certains des plus belles discussions de comptoir – pensons notamment à cette sortie sur l’immigration : « Quand le Mexique envoie ses ressortissants, il n’envoie pas les meilleurs. Il envoie ceux qui nous amènent la drogue, le crime. Certains sont des violeurs » – Donald Trump a lancé un message rassembleur au peuple américain et au-delà, à la communauté internationale. Il faut dire que l’élection du Républicain n’a pas réellement suscité l’enthousiasme de ses futurs homologues et interlocuteurs, certains versant largement dans l’euphémisme gêné, ainsi de Martin Schulz, Président du Parlement européen, « ce sera plus dur qu’avec les administrations précédentes mais il est le président librement élu », cqfd. Le Premier ministre français, Manuel Valls, a lui évoqué « une nouvelle donne mondiale » qu’il faudra « regarder en face », quand François Hollande évoquait de son côté le début d’une « période d’incertitude ».

Donald Trump et le « Brexit »

« La victoire de Donald Trump est un rejet profond du sytème » a commenté également l’ancien ministre de l’Economie et des Finances Emmanuel Macron, qui fait campagne pour le renouvellement en politique avec son mouvement En Marche ! et entend rejeter toute idée de droite ou de gauche. Nul doute qu’il y a du vrai là-dedans. Trop élitiste, trop technocratique, trop éloignée du peuple et membre d’une véritable dynastie politique – une élite – Hilary Clinton n’a jamais réussi à véritablement convaincre les Américains, en dépit de ses sérieux états de service. Bon nombre de commentateurs ont dressé le parallèle entre la victoire de Donald Trump et celle du Brexit en Grande-Bretagne. En somme, une rupture, un rejet, un « non ». Voire un coup de gueule. Dans le fond, le succès du candidat Républicain est aussi et surtout une nouvelle illustration du clivage politique qui semble désormais traverser monde politique et société civile : ouverture contre fermeture, autrement dit une certaine forme de progressisme et d’acceptation d’un monde ouvert, mondialisé, face à une volonté de se replier sur soi-même.

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Le retour de l’isolationnisme

Les « arguments » de campagne de Donald Trump ont en effet souvent témoigné de ce tropisme vers la fermeture, le repli sur soi. Tout d’abord, il y a un slogan répété à loisir : « America first ». Ensuite, il y une série de déclarations plus fracassantes les unes que les autres et dont on imagine assez mal le mise en oeuvre. « Moi, Donald Trump, je propose une totale fermeture des frontières aux musulmans qui veulent entrer aux États-Unis jusqu’à ce que nous soyons capables de comprendre le problème (du terrorisme) » avait-il par exemple lancé. Fermer les frontières du pays, renvoyer chez eux les immigrés illégaux, renforcer le mur entre les Etats-Unis et le Mexique, sortir de l’OTAN – jugée trop coûteuse -, se désengager en Asie du Sud-Est et laisser Japon et Corée du Sud gérer seuls la menace de leur voisin du Nord. Sur le conflit Syrien, Donald Trump ne compte pas davantage s’engager, déclarant même – lors d’un meeting à Fort Lauderdale (Floride) – que Barack Obama « avait créé l’Etat Islamique ».

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Sur un autre plan, Donald Trump entend également inciter – comment ? – les entreprises américaines à revenir installer leurs usines aux USA. Il faut produire et consommer américain. Ainsi, a-t-il par exemple menacer Apple de boycotter (sic) ses produits, fabriqués sur le continent asiatique. « Make America great again », le slogan de campagne du candidat Trump, resucée du leitmotiv de Ronald Reagan en 1980, annonce en fait surtout un repli, une peur extrême de l’autre, un ostracisme. En ce sens, il faut indubitablement craindre le pire. Comment régler des questions telles que celles de la Syrie et de l’EI, ou du réchauffement climatique, sans le concours des Etats-Unis ? Il faut aussi à ce compte se remémorer la dernière « grande » période d’isolationnisme américaine, une tradition dans le pays rappelons-le au passage. Dans les années 30, consécutives à la crise de 1929, les USA s’étaient ainsi recroquevillés sur eux-mêmes pour les suites que nous connaissons, n’entrant finalement en guerre qu’après l’attaque de Pearl Harbor. « Make America great again » ? Nul doute qu’il s’agira surtout d’un « Make America closed again ». Pas sûr que le pays, et le monde, en ressortent grandis.