Podemos, une campagne exemplaire ?

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Le jeune parti espagnol, issus des mobilisations indignées de 2011, n’a pas remporté les récentes élections législatives dans son pays. Il a en revanche mené une campagne rafraichissante et moderne, loin de l’inertie et de la morosité de ses concurrents et voisins européens.

Catalogue Ikea

A première vue, on aurait pu croire à une blague. Lorsque Podemos, parti emmené par son charismatique leader Pablo Iglesias, a annoncé la publication de son programme politique sous forme de… catalogue Ikea, il y avait de quoi être circonspect. Pourtant, l’objet, soigné et inédit, est devenu en un court laps de temps un icône, un must have, invitant – chose rare – les électeurs a lire véritablement un programme de campagne. Là ne fut pas la seule innovation de Podemos. Si les médias retiennent au final « l’échec » du parti, à savoir sa troisième place lors des dernières élections législatives de juin dernier. Il faut tout de même rappeler qu’en l’espace de deux années seulement, Podemos a séduit plus de 5 millions d’électeurs et recueilli au final 22% des suffrages. Il est devenu la troisième force politique du pays et s’est imposé – lui et ses thèmes – dans le débat public. Si ses arguments répondent à une attente des citoyens, exprimées lors du mouvement indigné de 2011, le parti peut aussi se prévaloir d’une stratégie efficace, moderne, rompant avec la vieille politique de ses rivaux.

Live-stream, Game of Thrones et valeurs positives

Le programme-catalogue Ikea fut sans conteste une réussite, un happening, tout comme les nombreuses vidéos de campagne mises en ligne par Podemos. Accusé par ses adversaires de ne penser qu’à son nombre de sièges et sa représentation au Parlement, Podemos a par exemple répliqué par une vidéo truculente, afin de parler de « sièges » au sens… premier du terme. Humour, sous-texte politique clair, références populaires – à la série Game of Thrones qu’Iglesias cite souvent – le discours de Podemos se veut en phase avec son époque et direct. Les vidéos de Podemos, et notamment le clip inaugural du parti dans lequel Pablo Iglesias passait un entretien d’embauche devant un panel de citoyens, sont virales et circulent sur les réseaux. Iglesias exploite également à fond les possibilités de live-stream, façon Periscope, sur Facebook en particulier, pour nourrir un contact direct avec ses sympathisants et avec les curieux, retransmettant des réunions au Congrès, des débats, des meetings et jouant ainsi la carte de la transparence. Entre militants, on se mobilise sur Facebook, on twitte et on communique grâce à l’application de messagerie Telegram. Le discours – lui – se veut positif, plein d’espoir, loin des messages anxiogènes et de l’insubmersible rhétorique de la peur des partis traditionnels. « Le sourire d’un peuple », tel était le slogan de Podemos. « Si se puede », « Oui nous le pouvons », son leitmotiv.

Participation et décentralisation

Le programme du parti en lui-même, a été élaboré grâce aux participations en ligne des sympathisants, et aux conseils de personnalités issues de la société civile, dont – mentionnons-le – l’économiste français Thomas Piketty. La campagne, elle, a été menée de manière très décentralisée, laissant aux « cercles » Podemos, cellules de quartier ou de ville du parti, de larges marges de manœuvre en termes d’initiatives. Et parvenant ainsi à agréger un grand nombre de militants sur le terrains, à l’extrême opposé de ses dépeuplés concurrents qui ne battirent jamais le pavé. Une campagne enthousiaste, dynamique, portée par des non-professionnels de la politique, proche des citoyens et qui, en ce sens, a embrassé le désir de parole initié par le mouvement indigné, d’occupation des places du pays né en 2011. Pas un jour sans plusieurs évènements Podemos dans toute l’Espagne. Débats publics, conférences, concerts, cours de salsa, projection de film… des plus ludiques aux plus sérieux, on a joué là encore la rencontre, la discussion, la parole. De nombreux partis étrangers sont venus observer la méthode Podemos à l’oeuvre. Espérons qu’ils en ramèneront de riches enseignements. Il y en a, sans aucun doute, un bon nombre à saisir.